Evolution #4 – Nest Level
Sylvain Ristori
Sur le campus HEC, non loin de l’espace d’ART HEC, une étrange cahutte a pris ses quartiers d’hiver puis, semble-t-il, se renouvelle pour l’arrivée du printemps, ayant grandi d’un étage. Elle s’affuble d’un nom bien étrange, une simple onomatopée, Z.U.T. Il s’agit de la Zone d’Utopie Temporaire…
Evolution #4 – Nest Level
Résidence, Installation
02.2014 — 02.2015
Lieu
Campus HEC
Abri, cabane, demeure, boutique, quel qu’en soit l’usage, tout indique que son état de précarité est remis en cause et qu’elle devient plutôt un work in progress, qui précise qu’un chantier est en cours. Dans un premier temps, cette frêle bâtisse – sorte d’îlot sur un terrain, si ce n’est hostile, en tout cas non conquis –, laissée pour compte après un geste artistique hors cadre, se voit progressivement modifiée et transformée au gré des interventions ultérieures. Elle devient une installation modulable et évolutive, en fonction du regard que chaque artiste porte sur elle. Sculpture collective en perpétuelle mutation.
En ce qui concerne son état actuel, il se nomme Evolution #4 – Nest Level et résulte du travail de l’artiste Sylvain Ristori réalisé in situ, donc sur place. Ainsi la construction d’origine change d’état, le territoire réservé à une école de commerce se voit infiltré par l’art, et le langage subit de la même façon sa révolution. Work in progress et in situ font désormais partie des mots employés dans le discours de l’art. Et cela remonte déjà au XXe siècle quand, dans l’histoire de l’art, les artistes de l’avant-garde déplacent les frontières et font bouger les lignes. Ainsi, Kurt Schwitters, dès 1920 dans sa maison de Hanovre, entreprend de construire une vaste structure faite de volumes: réalisée avec des poutres, des planches et du plâtre, l’armature envahit peu à peu toutes les pièces et même tous les étages de la maison. Il en découle une oeuvre protéiforme nommée par l’artiste Merzbau, en pleine excroissance et qui ne s’achève que par sa destruction, lors des bombardements de Hanovre en 1943 [1].
Plus près de nous, un autre artiste allemand, Gregor Schneider, dans son oeuvre Totes Haus Ur, modifie lui aussi son univers domestique en un espace inquiétant, en un dispositif qui court-circuite le sens de l’orientation et perd, dans un enchevêtrement, là aussi de planches et de portes, ses visiteurs, admis un par un. Quant à notre Z.U.T., la voici à son tour rehaussée d’un étage, conçu à l’aide d’assemblage de matière brute de planches de bois et de palissade, dans le désir de Sylvain Ristori de faire une intervention spatiale originale, en réemployant ce qui est trouvé sur place. S’inscrivant dans la lignée de ses aînés, il entame un jeu, en fonction des caractéristiques techniques, avec ce bois. Brut ou de récupération, ce médium paraît lui couler dans les veines, souvenir de son enfance en Ardèche au contact de la nature. L’artiste aime à s’appuyer sur ce qui existe déjà, recréer une vie là où elle ne semble plus accéder, à partir d’un lieu, qui commence à se désagréger, où la nature commence à reprendre ses droits. Il prend plaisir à modifier l’espace, à lui insuffler une dynamique. Le défi relevé par Sylvain Ristori se situe dans cette idée de construire un éphémère… qui pourrait durer.
Isabelle de Maison Rouge, critique d’art
fr. wikipedia. org/wiki/1943
Né en 1984en Ardèche, Sylvain Ristori vit et travaille à Paris. Profil atypique dans le milieu de l’art urbain, son travail se développe au fur et à mesure de ses voyages, de ses rencontres et collaborations. L’artiste est à l’aise tout aussi bien avec le bois, sa matière de prédilection, qu’avec le métal ou le verre. En constante évolution son travail prend sa source directement dans l’environnement qui l’accueille. La réalisation de chaque pièce est ainsi le fruit d’une réflexion quant à sa fonction dans l’espace qui lui est imparti et l’interaction entre tous les éléments à sa disposition.